La pelote basque, le business juteux de la mafia américaine

Dans les années 60, Miami, haut lieu de la cesta punta aux États-Unis, a vu les plus grands joueurs, fraîchement recrutés au Pays basque, devenir des stars adulées. Mais entre assassinat, corruption et joueurs sous-payés, le célèbre jeu de balles a vu sa réputation se ternir. Retour sur l’âge d’or américain de la pelote basque et d’une chute programmée.

François Mourasse, créateur de contenus et cofondateur du média Volta, aborde dans son documentaire l’évolution de la pelote basque et son incroyable aventure américaine.

Héritière des jeux de paume, la pelote basque n’a cessé d’évoluer à travers les siècles, se jouant d’abord en jeu direct, les équipes se faisant face, séparées par une ligne au sol, munies d’un gant en cuir, puis à main nue.  L’invention du latex à partir de 1830 transforme le jeu avec des balles plus légères et qui vont plus loin. La pelote se joue alors en jeu indirect, face à un mur : le fronton. Puis, en 1857, un jeune Senpertar a une idée : se servir d’un panier à fruits pour jouer à la pelote : c’est la naissance du chistera. Les joueurs s’éloignent du mur et de nouveaux équipements voient le jour pour faire parcourir à la balle des distances plus importantes.

Les Basques, empreints d’une forte culture maritime ancestrale, s’expatrient en Amérique latine, propageant ainsi leurs traditions. En 1888, Melchior Curutchague, jeune Basque argentin, décide d’adapter un chistera plus grand qui retient la balle. Son invention permet de stopper la balle dans le gant avant de la relancer (l’atxiki). La vitesse du lancer est décuplée, le terrain s’agrandit et le jeu devient encore plus spectaculaire. C’est l’apparition d’une nouvelle discipline : la cesta punta.

Cesta punta : le rêve américain

En 1904, les Américains découvrent la pelote basque à l’exposition universelle de Saint-Louis. Les frontons poussent comme des champignons dans le pays, à l’instar de Miami qui ouvre son premier jai alai en 1929. À cette époque, la pelote, très populaire à Cuba, compte une grande diaspora de joueurs. Les paris sont légion et le sport est directement intégré au casino, mais la révolution communiste met brutalement fin aux jeux d’argent. Les joueurs s’exilent alors en Floride qui devient, dans les années 60, un haut lieu de la cesta punta aux Etats-Unis. S’instaure alors une véritable filière de recrutement de joueurs, faisant de ces jeunes Basques, souvent pêcheurs ou fermiers chez eux, des stars façonnées à la sauce U.S.  À cette époque, les frontons qui tournent à plein régime drainent d’importantes sommes d’argent. 

Cesta punta outre-Atlantique : une chute programmée

En 1981, Roger Wheeler, propriétaire du World Jai Alai à Miami, est retrouvé assassiné dans sa voiture, après avoir découvert un système de détournement de fonds impliquant des membres du gang de Winter Hill, dirigé par le mafieux Whitey Bulger. La mafia s’intéresse de près au jai alai du fait de son potentiel lucratif et de la possibilité de manipuler les résultats des matches afin d’en tirer profit. Le First National Bank of Boston, qui avait financé le développement du jai alai aux Etats-Unis, plaide coupable en 1985 pour blanchiment d’argent dont une grande partie provenait de la mafia. Les liens entre les jai alai et la mafia contribuent à ternir l’image du jeu de balles. En 1988, les joueurs, sous-payés, décident quant à eux d’entamer une grève. Les investisseurs deviennent frileux, la cesta punta baisse en popularité, et c’est ainsi que l’âge d’or de la cesta punta prend fin outre-Atlantique.

Malgré l’issue qu’on lui connaît désormais en Amérique, la pelote basque, transmise par les anciens tel un précieux héritage, est et restera dans le cœur des Basques.