Si le port de Guéthary a su préserver son authenticité, c’est sans nul doute grâce à l’implication du Syndicat des Gens de Mer. Créée en 1905 par des pêcheurs autrefois professionnels, cette association, tenue depuis 1985 par des bénévoles, présidée aujourd’hui par Jean-Michel Ugarte, s’attache à préserver le lieu et à honorer la mémoire des anciens en perpétuant leurs traditions. Rencontre avec Michel Monfort, « la bibliothèque du port », et Jean-François Giron, alias Xibar pour les intimes.


Au port de Guéthary, l’on s’active dès l’aube. Les pêcheurs fixent une heure précise et se retrouvent pour descendre les bateaux : « ici, ce n’est pas comme à Saint-Jean-de-Luz, c’est une cale à sec, donc on est obligés de se donner un coup de main pour pousser les bateaux et les remonter avec le treuil », explique Michel, figure emblématique du lieu. Cette entraide est nécessaire, mais elle fait surtout partie de l’ADN de l’association qui tient farouchement à conserver la tradition : « on essaie d’inculquer les valeurs de nos anciens à la nouvelle génération et nous espérons qu’ils les transmettent à leur tour », ajoute Michel, troisième génération de pêcheurs. En effet, son grand-père, chef d’une famille de dix enfants, vivait jadis de la pêche qu’il pratiquait à Guéthary. L’un de ses fils, père de Michel, souhaitait prendre la relève, mais a dû renoncer à vivre de la pêche professionnelle : « les ressources commençaient déjà à manquer à cette époque », regrette le pêcheur.

La chasse à la baleine : l’origine de la pêche au Pays basque
« Ici, au Pays basque, il y avait la chasse à la baleine, c’est d’ailleurs à l’origine de la pêche », précise Michel. Cela n’est donc pas un hasard si le blason de Guéthary représente un guetteur sur un promontoire et une chaloupe de chasseurs harponnant une baleine. « La baleine arrivait toujours à l’équinoxe d’automne. Un type guettait du matin au soir pour voir quand est-ce qu’elle arrivait. Elle mettait bas ici et repartait vers le nord. Et ils l’attaquaient à ce moment-là.» Cela explique probablement pourquoi la baleine se fit si rare par la suite sur la Côte basque. Les pêcheurs attaquant également les petits, la reproduction devint de plus en plus difficile.
Au XVIIème siècle, les populations vivaient grassement de cette pêche : « tout était bon dans la baleine ! La graisse servait à éclairer, les côtes à faire des bancs, des sièges ou des corsets ! Les anciens disaient même que la baleine était le cochon de mer», renchérit Michel. Toutefois, cela n’était pas sans risque : « un simple coup de queue du mammifère et le bateau était plié en deux. Il y a eu beaucoup de morts. En plus, c’était une génération qui ne savait pas nager, ils coulaient directement sans avoir le temps de se débattre. En un sens, cela valait mieux ainsi. » Par la suite, les pêcheurs sont allés chasser la baleine jusqu’à Terre-Neuve où ils ont dû lutter contre le froid : « ils partaient pour huit ou neuf mois avec uniquement une boussole. L’alimentation là-bas n’était pas fameuse… Ils y ont laissé des plumes. »



Pêcheur professionnel : un métier en déclin
On ne compte plus qu’une dizaine de pêcheurs professionnels qui survivent grâce au merlu et à la petite pêche côtière : « ici, ils ramassent les algues qu’ils revendent pour être transformés en produits de beauté », explique Xibar. Et Michel d’ajouter : « si nos anciens voyaient ça, ils se retourneraient dans leur tombe. » Aujourd’hui, l’on trouve encore de tout, mais en petites quantités : bars, louvines, maquereaux et bonites qui semblent revenir en force, probablement dû à la raréfaction des prédateurs. Les deux amis pêcheurs constatent également la présence de poissons exotiques, attribuant cet étrange phénomène au réchauffement climatique : «il y a des poissons d’eau chaude qui viennent ici, comme le baliste, la liche glauque… Il y a une évolution bizarre qu’on n’arrive pas à maîtriser », déplore Michel. La pollution, le réchauffement climatique et la pêche industrielle menacent sérieusement l’écosystème marin : « les bateaux d’aujourd’hui sont énormes, ce sont des bateaux-usines qui traitent le poisson directement à bord, tout ça pour en faire du surimi. Ces engins tournent 24h/24. Il y a d’ailleurs un immense chalutier hollandais qui devrait venir sur la Côte aquitaine, l’Allenis Ilena, qui détruira tout sur son passage. Sachant que la pêche est déjà en perte de vitesse, jusqu’où allons-nous tenir ? », alerte Michel.


Le Syndicat des gens de mer : la sentinelle du port de Guéthary
C’est dans un local situé au-dessus du port, Haize Geriza (à l’abri du vent), que se réunissent les membres du bureau. Avec sa centaine d’adhérents, le syndicat veille à l’entretien du port : « on s’occupe du treuil, de la cale, de mettre du produit lorsque la mousse arrive. Tout ça était fait par la mairie, maintenant c’est nous qui le gérons » explique Xibar, issu de la nouvelle génération de pêcheurs amateurs. Ce local, qui fait également office de musée, est un véritable lieu de vie. « Il y a vingt-trois anneaux sur le port de Guéthary, mais pour en avoir un, il faut impérativement être de Bidart ou de Guéthary. Ce sont les critères des anciens que nous tenons à respecter », précise Xibar. Très sollicités depuis l’arrivée massive des estivants, les membres du syndicat veillent à maintenir leurs statuts afin de conserver l’authenticité du port, tel que les anciens leur ont légué : « nous ne souhaitons pas que les estivants prennent l’avantage sur ce lieu, car nous savons très bien qu’il finira par vivre deux mois lors de la saison estivale, puis devenir un mouroir pendant l’hiver. »



Chaque année, le Syndicat des Gens de Mer organise plusieurs événements dont le Kostalde Baleada, en collaboration avec l’association Ibaialde, puis la célèbre fête du port qui a lieu autour du 15 août. Lors de cette grande célébration, près de mille repas sont servis. Les bénévoles sollicitent également les commerçants afin d’obtenir une participation financière pour le feu d’artifice. L’association reçoit également des financements des mairies de Bidart et Guéthary. L’argent récolté sert à l’entretien du port.
Si ces quelques lignes ont aiguisé votre curiosité, sachez que le syndicat est ouvert à tous. Que vous souhaitiez prendre un café avec les membres du bureau ou vous essayer à la pêche à la turlutte, à l’arrêt ou à la traîne, alors rendez-vous au local du port de Guéthary !

Lèves-tard, s’abstenir !
Syndicat des Gens de Mer
Chemin du Port, 64210 Guéthary
Tel : 05 59 26 57 83
2 réponses
Bonjour superbe article.bravo …
Merci beaucoup