C’est un petit homme, à l’allure discrète. Le genre qu’on pourrait presque oublier dans l’immensité des montagnes. Mais il suffit qu’il parle pour que tout s’arrête et qu’on l’écoute. Les mots de Jean Bernard Maitia claquent comme des vérités simples et tranchées, l’œil vif, malicieux, presque rieur. Un philosophe de l’altitude, taiseux quand il faut, il sait écouter. Il faut dire que pour passer 5 mois en estives à Urkulu, il doit falloir apprendre à observer…

Chaque année, il revient à Urkulu, ce bout de frontière montagneuse. Il y passe cinq mois par an, avec ses brebis en liberté, à les guider, les traire à la main, deux fois par jour. Pas de raccourci, pas de machine. Juste lui, les bêtes, les gestes répétés, le lait tiède qui coule et le fromage qui naît. Ossau-Iraty, bien sûr. Et ce breuil qu’il fabrique là-haut, d’une finesse qui bouleverse. On ne le dira jamais assez : c’est du grand art !

Mais l’estive, ce n’est pas une carte postale…
Ce sont des jours entiers noyés dans la brume, des tempêtes qui font plier les nerfs, des moments de solitude sans réconfort. Jean Bernard nous l’a dit, sans détour : “Les premières années, ici, j’ai pleuré.” Pas par faiblesse, non. Mais parce que le ciel vous prend tout, parfois. Et il faut quand même se lever, chercher les brebis dans le brouillard, faire le fromage, affronter les éléments. Se demander ce qu’on fout là… Puis le soleil revient, une brebis bêle au loin, et l’évidence revient avec : on sait pourquoi on est là. Parce que c’est la montagne qui l’a choisi. Et qu’il a dit oui.

On pourrait passer des heures à l’écouter. À le voir dérouler, sans forcer, l’histoire d’Urkulu, ses apprentissages sur les brebis, le fromage, et surtout, sur la vie. Et ce qui touche le plus, c’est qu’il affirme, sans fausse modestie : il ne sait encore rien. Son humilité face à la nature est saisissante.
Il nous rappelle que là où l’on monte aujourd’hui en une demi-heure de voiture, il fallait jadis plusieurs jours de marche. Que l’homme n’a pas conquis la montagne, il l’a seulement approchée. Il nous rappelle, sans colère, mais avec une clarté désarmante, à quel point c’est une erreur de croire qu’on est au-dessus. Ce genre de parole qui vous remet les pieds dans la terre, et le cœur à la bonne hauteur.

Jean Bernard n’a pas gardé sa passion pour lui. Il l’a transmise, simplement, naturellement, à ses enfants. Aujourd’hui, ils œuvrent ensemble, là-haut, dans ces mêmes estives. Avec leurs différences, leurs élans à eux, mais toujours ce respect profond pour la terre, les bêtes et le geste juste. Il y a là une forme d’évolution, de passage de relais sans trahir l’essence. Et ça, c’est sans doute la plus belle promesse : que cette tradition pastorale, rude et précieuse, ait encore de beaux jours devant elle.
Vous pouvez retrouver les fromages de Jean Bernard au marché de quintaou à Anglet le jeudi matin ( ferme Urkulukoa ) ou le contacter au 06 30 58 94 68.
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